Joli piège…Il est caché au coeur du décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 portant diverses dispositions relatives notamment à la procédure civile et à la procédure d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions.
Encore un texte fourre-tout
Voilà encore un de ces détestables textes « fourre-tout », qui, sur des pages entières, ajoutent un mot, retranchent un bout de phrase, déplacent une virgule.
Le sommaire du décret donne une idée du désordre :
Section 1 : Dispositions relatives à la procédure civile devant les tribunaux judiciaires, les tribunaux de commerce et les conseils de prud’hommes et aux procédures civiles d’exécution (Articles 1 à 5)
Section 2 : Dispositions relatives au contentieux du surendettement des particuliers (Article 6)
Section 3 : Dispositions relatives au Fond de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (Articles 7 à 8)
Section 4 : Dispositions relatives à la formation des experts judiciaires (Article 9)
Section 5 : Dispositions relatives aux procédures de résiliation de baux d’habitation et de reprise des lieux en cas d’abandon (Article 10)
Section 6 : Dispositions relatives à l’entrée en vigueur et à l’application outre-mer (Articles 11 à 13)
33 modifications au code de procédure civile
Il est bien difficile de livrer une analyse exhaustive de ce type de texte, et il va falloir le regarder, à la loupe, article par article.
Les cinq premiers articles sont essentiellement consacrés à la procédure. L’article 1er regroupe toutes les dispositions modifiant le code de procédure civile. Au total 33 modifications !
Focus sur la procédure d’appel
Les modifications 21 et suivantes concernent la procédure d’appel.
Un joli piège dans la réécriture de l’article 901
On se souvient que depuis l’entrée en vigueur du décret du 11 décembre 2019, l’article 901 était ainsi rédigé :
La déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l’article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;
2° L’indication de la décision attaquée ;
3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.
Nous avions immédiatement signalé le caractère incohérent et dangereux de la référence à l’article 57. En effet, le renvoi à l’entier article 57 impliquait l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée, dans la déclaration d’appel ! Une réécriture du texte était attendue. Elle est l’occasion de tendre aux plaideurs et à leurs avocats un joli piège.
Joli piège pour les avocats
Voilà le nouveau texte de l’article 901 :
La déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et le troisième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;
2° L’indication de la décision attaquée ;
3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.
A priori, on ne peut que se réjouir : le renvoi à l’article 57 a été remplacée par un renvoi à son seul 3ème alinéa :
« lorsqu’elle est formée par une seule partie, l’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social »
Nous voilà rassurés, il n’est plus question de devoir énumérer les pièces dans la déclaration d’appel.
Mais alors, tout est bien, et où est donc ce joli piège ?
Lisez mieux
Lisez mieux. Le 3° de l’article 54 n’est pas trop préoccupant :
Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;
Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ;
Le piège est dans le renvoi au 2° de l’article 54 :
« 2° L’objet de la demande »
Vous avez bien lu. De manière subreptice, le texte impose désormais de reproduire dans la déclaration d’appel « l’objet de la demande ». Laquelle, la demande initiale, ou la demande en appel ?
Un joli piège, vous dis-je.
L’objet de la demande en appel a été institué par un décret de 2005, applicable au 1er Mars 2006..,,
Rien de nouveau…
😂
Je ne voudrais pas dire de bêtises, mais je crois que cette nouveauté date… du 28 décembre… 1998
😱
Et le Garde des Sceaux, signataire du décret, fut avocat; on n’est jamais trahi que par les siens!
Il n’ ya pas de piège, il s’agit d’une simple référence aux dispositions de l’article 542 du cpc, en ce sens que l’objet de la delmande tend soit à la réformation soit à l’annulation du jugement et rien d’autre…cessons d’agiter l’épouvantail n’importe où, cette procédure déjà assez compliquée;
Bien à vous.
F. Seba
ps : Mon bon souvenir à Pauline dont j’ai fait la connaissance à Berlin à l’Université Humboldt
Vous n’êtes pas la seule à avoir attiré mon attention sur la question. Je publie un nouveau post sur la question.
Ps : nous avons deux Pauline au cabinet qui est celle concernée ?
Pauline Blard qui a été stagiaire chez mes confrères Alexander & Partner Avocats à Berlin.
le renvoi initial à l’article 57 et à la liste des pièces n’était pas prescrit à peine de nullité. Le texte était assez clair! du reste en alsace Moselle où il existe des avocats postulant à la Cour d’Appel, il était impossible de satisfaire à cette obligation car bien souvent ils ne sont en possession au départ que du jugement entrepris.
Merci pour ces précisions utiles, je vais revenir sur le sujet